Le Croit vif

83, rue Michel-Ange- 75017 Paris

 

 

 

 

 

 

Bernard BORDELAIS

 

 

 

Le « Grand Temple de Haute-Saintonge »

 

ou

 

Le mystérieux nombre d’or des dolmens

et du donjon de Montguyon

 

 

Le Croît vif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A mes enfants :

                                                         

 « Benja »

                                                                                                              

 « Titie »

                                                                                                                             

 « Jeanba »

 

 

 

 

 

 

 

 

Livre écrit en 2006 et 2007, après 25 ans de recherches

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Collection

 

 

Editions le croît vif

 

 

 

Introduction

 

 

Montguyon

 

 

 

Montguyon est une petite ville située à l’extrémité sud de la Charente-Maritime.

Cette commune de mille cinq cent habitants est le chef lieu d’un canton comportant quatorze communes rurales.

Montguyon possède trois monuments historiques :

-          Un magnifique ensemble mégalithique constitué d’une imposante allée couverte et d’un petit dolmen (trop souvent ignoré).

-          Une belle église romane saintongeaise construite au XI° siècle, à l’extérieur du bourg.

-          Un château médiéval érigé au début du XIII° siècle, restauré bénévolement.

Cet ensemble vient d’être inscrit à l’inventaire des monuments historiques à Poitiers par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la Région Poitou-Charentes lors de sa session du 10 juin 2004. Le vote fut acquis à l’unanimité des membres du jury et sous les applaudissements.

La ville de Montguyon est très éloignée de la préfecture du département, à environ cent cinquante kilomètres de La Rochelle.

Paradoxalement, tout près de trois autres départements, la Charente, la Dordogne et la Gironde, elle est à une bien moindre distance de leur préfecture respective. En effet, Angoulême est à soixante kilomètres, Périgueux à quatre vingt cinq et Bordeaux à seulement cinquante cinq.

Cette implantation incongrue vaut à ses habitants d’être parfois « oubliés » par la préfecture.

Peut après la révolution française, leurs ancêtres avaient demandé le rattachement de cette contrée à Libourne.

Ceci fut refusé.

Les montguyonnais ont souvent l’impression d’être « assis entre deux chaises ».

L’hydrologie corrobore ce sentiment.

En effet, une goutte de pluie chue à Montguyon va par les différents cours d’eau, rejoindre la Gironde en Aquitaine.

Tombée à cinq kilomètre plus au nord, elle aurait rejoint le bassin de la Charente !

D’autre part, c’est un lieu très proche de la ligne de partage entre les langues d’oïl et d’oc.

L’ensemble mégalithique de Montguyon, âgé d’environ quatre millénaires et demi est constitué d’une allée couverte de style aquitain et d’un dolmen d’inspiration angoumoise.

Pendant la guerre de cent ans, la forteresse moyenâgeuse se trouvait à la limite entre les protagonistes et changea de camp à plusieurs reprises.

L’étude qui suit va cependant nous démontrer toute l’importance de cette petite région délaissée.

Partons à la découverte.

Cherchons et trouvons les secrets précieusement cachés sous les pierres…

 

 

 

 

Chapitre 1

 

WITAN

 

 

 

La naissance de Wido

 

 

 

 

Il y a 4567 ans…

Un cri strident, inhumain, déchira les ténèbres.

Le hennissement d’un cheval sauvage lui fit écho dans la nuit silencieuse.

La lune, disque argenté, reflet du soleil de minuit invisible, éclairait de sa lumière métallique quelques huttes de bois érigées sur le sommet du coteau surplombant un paisible petit ruisseau ondoyant dans la vallée.

Nous sommes au moment de la pleine lune, juste après l’équinoxe de printemps.

Dans la grande hutte, celle du chef, quelques tisons, restes d’un feu ardent de branchages, se consument lentement. Une fumée blanche légère et nonchalante s’en échappe, poussée lentement vers l’est par une délicate brise printanière.

La compagne du chef, bien en chair, ronde à souhait, assise à demi allongée sur quelques fourrures, enfante dans la douleur. La vieille accoucheuse ridée l’assiste.

A nouveau, un cri perce la nuit.

D’ici peu le miracle de la vie va s’accomplir.

La lune à l’occident décline doucement vers le monde de l’invisible, l’antre de la mort.

Les premiers rayons du soleil commencent à poindre de l’orient au moment où la tête de l’enfant fait enfin son apparition.

Un troisième hurlement ponctue l’expulsion du bébé hors du ventre maternel.

La vieille femme à la peau toute fripée saisit de ses doigts noueux le petit être et d’un geste précis, tranche le cordon ombilical à l’aide d’un éclat de silex.

Le disque rouge de l’astre de vie éclaire faiblement la scène par la fenêtre orientale.

Une brassée de branches jetée sur le feu s’embrase en crépitant.

Une lumière chaude illumine l’intérieur de la case.

Le nouveau né « WIDO » (Guy), car tel est son nom, aspire goulûment sa première bouffée d’air, ses frêles poumons s’emplissent de l’élément indispensable à la vie.

Il émet son premier cri.

Sa mère, déchirée par l’accouchement, gémit de douleur. Malgré cela ses beaux yeux d’un bleu limpide brûlent de l’incommensurable bonheur d’avoir enfin un fils.

Celui-ci, blotti sur le sein maternel, paisible, va pouvoir commencer son long chemin initiatique.

La grande fête du printemps, dans les jours prochains sortira le village de sa longue torpeur hivernale.

Le chef « WITAN », (le guide), tout auréolé de cette filiation tant espérée, transmetteur de la vie, l’esprit libre, apaisé, pense à l’œuvre à accomplir.

Son vœu de procréation ayant été enfin exaucé par le Créateur, il doit réaliser l’engagement pris à l’égard de Dieu : construire le Grand Temple immatériel, dont l’allée couverte sacrée sera l’élément essentiel.

Il faut prendre conseil.

A midi, en pleine lumière, sous le soleil au zénith, le conseil des sages est réuni dans la clairière, à trois pas du village. Le site sablonneux, de forme ovoïde, entouré de bouleaux, est selon la tradition ceinturé d’un cordage allant d’arbre en arbre, treize sont réunis.

Les deux extrémités de la corde sont nouées à deux troncs séparés d’un pas, ceci permet de suggérer une entrée, une porte donnant accès à l’enceinte sacrée du côté du soleil couchant.

Une branche basse oblige à baisser la tête en signe d’humilité, de respect, tous ceux qui ont l’aptitude à pénétrer à l’intérieur de cette zone.

Witan entre le premier, suivi des douze anciens.

De la pointe de son bâton, il trace dans le sable, au centre de l’ovale, un rectangle de proportion un par deux, axé selon la tradition est-ouest, puis il relie deux sommets opposés, faisant apparaître deux triangles rectangles de dimensions : un, deux et racine de cinq.

Il s’assoit à même le sol à l’orient et invite les six sages côté sud et les six sages du septentrion à faire de même.

Les treize vont pouvoir délibérer en toute quiétude, isolés symboliquement du monde profane.

Son rôle de chef, malgré sa jeunesse, lui est du pour une grande part, à sa maîtrise du verbe, reflet de sa richesse intérieure.

Witan, calmement, posément, prend la parole :

- « Les ancêtres depuis la nuit des temps ont décoré leurs sanctuaires sur les parois des grottes. A cinq jours de marche, vers le soleil levant, nous pouvons encore les admirer. Ces cavernes naturelles, creusées et traversées par l’eau limpide bienfaitrice, symbole de vie, sacralisées au plus profond de la terre mère féconde, sont des lieux de purification, de transmutation, de régénérescence.

Tout près d’ici, vers le couchant est la caverne de nos anciens (Montlieu La Garde), plus loin, à cinq jours d’ici demeure le berceau de notre clan (La roche Courbon).

A notre époque de progrès, en nos contrées où nous ne disposons pas de telles réalisations naturelles, j’ai fait vœu d’ériger une œuvre architecturale qui défiera le temps.

Cette construction de pierres brutes, recouverte de terre sera le caveau funéraire de notre peuplade. De là, à l’abri des vicissitudes des périodes futures, nous pourrons voyager le cœur en paix vers l’au-delà. Nous laisserons la trace d’un peuple constructeur, maîtrisant l’art du bâtisseur. Que ceux d’entre vous qui approuvent cette décision le manifestent ! ».

Onze mains se lèvent, une seule ne bouge pas, celle du plus ancien.

Le chef, très satisfait du résultat du vote lève la séance.

Le travail va pouvoir commencer, les difficultés aussi !

 

 

 

 

 

 

 

 

L’implantation des mégalithes

 

 

 

 

Le lendemain matin, tous les membres de la communauté se réunissent sur la place centrale du village.

Witan doit être convainquant, en effet l’allée couverte n’est qu’une partie d’un ensemble prestigieux à réaliser.

Sûr de lui, il harangue la foule silencieuse.

- « Mes amis, le conseil des anciens, vous le savez, a accepté hier, l’idée d’ériger une allée couverte afin d’y recueillir les corps des défunts, les protéger et leur offrir la vie éternelle. Vous en êtes conscients, ce travail est difficile, il demande beaucoup de sacrifices. Considérons avec joie ce labeur comme un devoir à l’égard de notre communauté et comme un message à transmettre aux générations à venir. Notre savoir défiera l’espace temps. Dans le futur, quelques esprits éclairés comprendront, se réjouiront de nos connaissances acquises depuis la nuit des temps. Notre savoir concernant l’astronomie va nous être d’un grand secours.

Nos édifices de pierres brutes marqueront les saisons, révéleront à ceux qui sauront lire, des secrets invisibles aux profanes.

A cet effet nous construirons trois sites disposés selon un triangle rectangle particulier.

Grâce aux observations réalisées par nos ancêtres, nous savons déterminer les axes des levers et couchers du soleil au jour le plus court et au jour le plus long.

Les deux autres sites de moindre importance délimiteront avec notre allée couverte un grand espace sacré, orienté, respectant les règles mathématiques, géométriques et astronomiques léguées par nos pères.

Grâce au gnomon, l’ombre du style vertical sur la surface plane saura nous guider afin de respecter les solstices.

Notre corde à treize nœuds, avec sa mesure de base d’un pas, soit deux coudées, trois pieds ou quatre empans, nous sera indispensable pour l’exactitude de notre tracé.

Notre future allée couverte sortira de terre près d’ici, au sud-est, au sommet de la colline (Pierre Folle à Montguyon, altitude 114 m.). Nos érudits initiés au calcul (de calculus : caillou) le savent, les nombres sont à la base des constructions sacrées, nous en tiendrons compte. Ce jour, nous allons commencer le tracé sous le soleil et le poursuivrons parfois au cours de la nuit, sous la lumière blafarde de la lune, à la lumière des feux allumés pour nous guider. Mes amis, que le travail commence à la gloire de l’éternité…»

Witan le savait, ses propos étaient abscons pour la plupart des membres de sa communauté.

Il en tirait son autorité, son rôle de guide.

 

Il était le sachant, celui qui transmet, non pas à tous, mais seulement à ceux qui se montraient dignes d’acquérir le savoir, qui manifestaient leur désir de connaissance et faisaient l’effort de compréhension nécessaire à leur élévation dans l’échelle de l’univers.

Il les mettait alors sur ce chemin de lumière, de révélation, les guidant du mieux qu’il pouvait.

Il aimait, comme ses prédécesseurs, transmettre, initier.

Cependant, il le savait, s’il est possible de montrer le chemin, il demeure impossible de faire les pas à la place de celui qui ne veut avancer.

Le nombre de ses jeunes disciples, selon sa volonté, était volontairement restreint.

Tout au plus cinq, sans compter les douze sages du village, étaient en formation pour transmettre plus tard la tradition orale aux générations futures.

Ceux-ci allaient pratiquer l’art du trait, tracer le temple terrestre en rapport avec l’univers cosmique.

Ils allaient être intercesseurs entre le monde d’en haut et le monde d’en bas, entre le ciel et la terre.

- « Que mes cinq élèves restent avec moi ainsi que les douze anciens. Ceux d’entre vous qui veulent nous assister le peuvent, que les autres retournent à leurs occupations. Dans les jours prochains nous vous rendrons compte et ferons appel à tous afin de déplacer et ériger les blocs de pierre nécessaires à l’œuvre ».

Trois jeunes hommes s’approchèrent de Witan et émirent le souhait de se joindre au groupe afin d’apporter leur aide à la réalisation de l’édifice.

Le chef les savait ambitieux, pourtant il les remercia chaleureusement mais leur précisa que leur travail ingrat devait être réalisé en toute humilité. Ils devaient se mettre au service du groupe, écouter et obéir.

Witan depuis longtemps avait pensé, imaginé les constructions, la conception générale.

Ce jour, il pouvait commencer le tracé du plan, devenir enfin le maître de l’œuvre, le créateur, l’architecte.

Il allait construire, mais il le savait, il allait se construire, s’élever avec son peuple.

Witan exposa la conception de l’ensemble mégalithique aux vingt hommes présents tout en traçant et disposant des petits cailloux à même le sol pour étayer ses propos. Cette esquisse devait être finalisée avec précision.

Deux pierres verticales, deux « gnomons », étaient fichées en terre depuis des temps immémoriaux au centre du village. Distantes l’une de l’autre de la longueur de la corde sacrée à treize nœuds, elles déterminaient un axe du nord-est vers le sud-ouest selon les solstices.

Une fois par an, le soleil se levait dans l’axe, les jours étaient les plus longs (solstice d’été). Quand il se couchait à l’opposé, les nuits étaient les plus longues (solstice d’hiver).

Witan tendit un long cordeau d’une pierre à l’autre.

L’axe du grand temple immatériel, délimité par les trois édifices à construire serait orienté selon cette direction astronomique. Les trois bornes suggérant cet espace seraient disposées sur un triangle rectangle équivalent à la moitié d’un rectangle ayant pour côtés un et deux (donc de diagonale racine de cinq).

Pour cela, il prit sa corde sacrée.

Il traça une perpendiculaire à la direction des solstices. Pour réaliser ce prodige, il mania sa corde avec dextérité. 

Il posa l’extrémité de celle-ci sur l’axe solsticial, un de ses assistants la saisit. De là, il compta quatre intervalles vers le nord-est, il banda sa corde et demanda à un deuxième assistant de tenir ce nœud sur le cordeau axial. Sous le nœud, au sol, il posa une pierre noire. Il compta trois intervalles en tirant sa corde vers le sud-est et fit saisir ce nœud par un troisième assistant. Il prit alors l’extrémité de sa corde, le treizième nœud, et l’amena au premier assistant qui tenait la première extrémité. Il demanda au troisième assistant de tirer la corde vers lui afin que l’ensemble soit tendu. La direction déterminée ainsi entre le deuxième et le troisième assistant était perpendiculaire à l’axe initial.

Witan venait d’utiliser le triangle rectangle de Pythagore, de proportion : trois, quatre et cinq.

Un long cordeau fut fixé entre deux pieux selon cette direction.

Witan enfonça un piquet à l’emplacement déterminé par le premier ouvrier.

Il lui demanda de lâcher le treizième nœud de la corde tout en continuant de tenir le premier nœud, sans bouger de place. Il demanda au troisième assistant de se rapprocher du second à deux intervalles sur l’axe du cordeau entre les pieux.

A cet endroit, il ficha en terre un second piquet.

(Le triangle de proportion : un, deux et racine de cinq apparut à tous…).

- « L’allée couverte sera construite au sud-est du village et selon la direction donnée par le plus grand côté de ce triangle rectangle ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande fut faite au troisième collaborateur de tirer la corde vers le nord-ouest, à huit intervalles de l’axe des solstices, ainsi un second triangle rectangle de même proportion que le premier mais deux fois plus grand venait d’être tracé.

Un troisième piquet fut fixé au sol.

A ce troisième piquet, il attacha l’extrémité d’une ficelle qu’il tendit vers le sud-ouest, selon la direction des solstices.

Il prit la corde à nœud et reporta à partir du piquet, deux fois dix intervalles. Il enfonça un quatrième piquet.

Cet assemblage de cordages et de piquets, il faudrait l’agrandir, le multiplier.

Le soleil commençait à disparaître lentement à l’horizon, la reproduction à grande échelle du tracé sur le terrain commencerait demain.

Les hommes regagnèrent leur hutte respective.

Witan, satisfait, réconforta sa compagne encore affaiblie, posa la main sur le front de son fils et sourit de satisfaction. Un jour, si Dieu lui prêtait vie suffisamment longtemps, son fils serait fier de lui.

Peut-être Wido aurait-il, plus tard, à poursuivre l’œuvre inachevée de son père.

Witan savait la valeur du temps qui passe, inexorable. Pourvu qu’il eut le temps nécessaire…

Ce soir là, il eut beaucoup de mal à s’endormir avant minuit plein.

Au matin, l’éclat du jour chassa les ténèbres et le tira de son profond sommeil réparateur.

Les premiers rayons du soleil commençaient à illuminer l’intérieur de sa hutte.

Le groupe de la veille commençait à se rassembler, les vingt volontaires semblaient très heureux de participer à cette réalisation hors du commun.

Ils se réunirent tous autour des cordeaux laissés en place la veille au soir.

Witan arriva, les salua et expliqua le travail à accomplir.

  1. « Nous multiplierons ce tracé par douze en considérant la longueur de notre corde équivalente à un intervalle de notre tracé puis par cinquante en reportant cinquante fois la corde à treize nœuds. Le tracé final sera donc six cent fois plus grand que notre esquisse actuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’ici, de notre hameau, nous nous dirigerons vers le sud-est, selon la direction du cordeau. Nous avancerons en reportant cent fois notre corde. Au point déterminé, nous construirons l’allée couverte.

De notre village, nous progresserons à quatre cent cordes vers le nord-ouest, toujours selon le même axe et construirons un dolmen (Saint-Palais de Négrignac).

D’autre part nous irons vers le sud-ouest, suivant le solstice, à deux cent cordes et érigerons en ce lieu, un autre dolmen (Turpin).

Du dolmen nord-ouest, selon la direction des solstices, nous reporterons la corde mille fois, et là nous érigerons le dolmen le plus près du couchant (Bédenac).

Ainsi, les trois dolmens et l’allée couverte seront disposés sur des triangles rectangles de même proportion.

Nous allons nous mettre à l’ouvrage, marcher vers ces différents lieux magiques, chacun d’entre vous va se munir d’une hache de silex et de cinq bâtons.

Ces cent bâtons nous serviront de jalons pour reporter notre corde à treize nœuds vers le sud-est ».

Chaque homme confectionna cinq bâtons pointus et prit une hache.

La tâche allait être difficile.

Reporter cent fois la corde mesurant près de dix mètres dans la bonne direction n’était pas aisé.

Tendre la corde et enfoncer chaque fois un bâton, jusqu’au centième, pouvait se concevoir, mais garder le bon axe semblait impossible.

Pour cela, il fallait élaguer les arbres, aplatir la végétation et constamment viser en fonction des jalons mis en place. 

Les haches maniées avec dextérité faisaient miracle, une sorte de couloir prenait forme dans la végétation.

En fin d’après-midi, le centième pieu de bois était enfoncé. Une grosse pierre trouvée près de là fut posée près du piquet.

Witan fier de ses hommes, les remercia chaleureusement.

- « Il est temps de revenir au village nous restaurer, ce soir, quelques uns d’entre vous reviendront ici allumer un feu. De notre village, je vérifierai l’exactitude de notre déplacement. Merci »

Les hommes, très satisfaits, prirent la direction de leur lieu de vie.

Après avoir collationné, ils se reposèrent dans leur case respective.

Le soir cinq hommes allèrent allumer un feu de branches mortes à l’emplacement du centième piquet.

La nuit noire permit à Witan de constater l’exactitude du travail accompli.

La direction donnée par le tracé initial déterminé au village aboutissait à la lueur des flammes dans le lointain suivant un alignement parfait.

L’allée couverte de Pierre Folle serait érigée plus tard à l’emplacement du brasier.

Le lendemain, la même opération fut reconduite.

Les hommes partirent du village en suivant la direction des solstices.

Ils comptèrent deux cents cordes et arrivèrent près de deux collines en forme de mamelons.

Ces deux protubérances visibles depuis leur coteau indiquaient le solstice d’hiver lorsque le soleil se couchait à cet endroit particulier.

Un dolmen serait construit en ce lieu sacré. (Turpin)

Les jours suivants, ils allèrent comme prévu à quatre cent cordes vers le nord-est pour déterminer avec précision le site du dolmen (St Palais de Négrignac).

De là, ils se dirigèrent vers le sud-ouest, à mille cordes,  pour matérialiser le site le plus éloigné (Chierzac dans la commune de Bédenac).

Tout ce travail préparatoire nécessita la durée complète d’une lunaison.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La construction des mégalithes

 

 

 

 

Les quatre points étaient déterminés sur le terrain. Il fallait maintenant passer à l’étape suivante, la réalisation de chaque édifice.

Witan dans sa grande sagesse, décida de les construire dans l’ordre inverse de leur repérage. Ainsi le clan construirait le dolmen le plus loin pour terminer par le plus près et le plus imposant, l’allée couverte.

Trois grosses pierres éparses furent traînées l’une après l’autre après avoir été hissée sur un support de rondins de bois faisant office de traîneau.

Les trois blocs, guère plus haut qu’un enfant, posés côte à côte constituèrent l’ensemble mégalithique de Bédenac. Tout fut terminé en trois jours.

Déplacer des roches en grés de deux tonnes était relativement facile sur de petite distance. Les entasser afin de constituer un dolmen demandait une technique appropriée.

Le dolmen de St Palais de Négrignac allait requérir ce savoir faire indispensable.

Cinq pierres furent amenées.

Les quatre blocs les plus petits furent plantés en terre selon les directives de Witan. Le cinquième, le plus gros, de forme ovoïde, aplati, allait servir de toit à l’ensemble.

Comment hisser cette pierre de plusieurs tonnes sur les quatre peulvens ?

Witan fit entreposer des troncs d’arbre et de la terre afin d’ensevelir les quatre supports et constituer sur le côté une rampe. Le tout fut compacté avec soin.

Il ne restait plus qu’à tirer l’énorme bloc sur cette pente, à le positionner puis à enlever la terre et les troncs d’arbres.

Ce deuxième chantier fut réalisé en cinq jours.

L’ensemble de la communauté s’accorda un peu de repos, puis passa à l’étape suivante, l’édification du dolmen de Turpin.

Beaucoup de blocs, vestiges de l’époque glacière, étaient éparpillés près des deux collines en forme de sein.

Le transport des blocs de grés en fut d’autant plus aisé.

Sept peulvens furent dressés. En plan, ils formaient une enceinte délimitée par deux rangées parallèles de trois pierres, la septième pierre reliait ces deux rangées séparées d’un pas.

Selon la technique employée précédemment, deux dalles de pierre furent posées sur l’ensemble.

Tout ceci nécessita neuf jours d’efforts.

Witan laissa son peuple se reposer pendant une lune.

Le chef d’œuvre, l’allée couverte, allait d’ici peu se dresser fièrement.

 

 

Le maître de l’œuvre, grâce aux trois premiers chantiers, avait permis aux hommes du village d’acquérir et maîtriser une bonne technique pour mettre en place les rochers.

Ce savoir faire était indispensable pour finaliser l’allée couverte.

Witan imaginait la conception de ce temple colossal.

Il en frémissait de satisfaction.

Le premier quartier de lune était de retour, un cycle lunaire s’achevait, le moment tant attendu était arrivé.

Les plus âgés, les enfants et quelques femmes restèrent au village du clan.

Tous les autres allèrent sur le site où le grand caveau sacré devait s’élever.

Witan appointa deux pieux. Il enfonça solidement le premier puis s’éloigna de deux cordes druidiques vers l’est. Dans l’alignement, il visa le site de Turpin et ficha en sol le second piquet. 

Les deux repères donnaient ainsi la direction vers Turpin et Bédenac.

Cet alignement correspondait au lever du soleil entre l’équinoxe de printemps et le solstice d’été (début mai).

L’allée couverte respecterait cet axe.

L’ensemble des différents monuments épars aurait une fonction astronomique indispensable.

Grâce à cette réalisation gigantesque, des repères calendaires seraient à la disposition de la communauté.

Les divers alignements ponctueraient le rythme des saisons à venir.

Entre autres, la direction de Pierre Folle, tous les ans, après l’équinoxe de printemps, donnerait la date des réjouissances en l’honneur du dieu Bélen.

La nature dans son ensemble à cette période se parait de tous ses plus beaux atours, la vie renaissait après la longue période hivernale.

Le peuple pouvait se réjouir, faire la fête. Mais en fait d’allégresse, un travail titanesque restait à accomplir.

Witan pendant plusieurs jours fit transporter vingt-trois gros blocs. Il les avait soigneusement sélectionnés dans les environs pendant le mois précédant.

Ces pierres énormes, de forme plate, allaient être dressées ou posées les unes sur les autres et témoigneraient d’un savoir, d’un art de l’architecture permettant de défier le temps.

Ultime épreuve, le vingt-quatrième bloc choisi par Witan devait être acheminé vers le site sacré.

La tâche semblait impossible.

La dalle mesurait plus de six pas de long, quatre pas de large et deux pas dans sa plus grande épaisseur (d’un poids d’environ trente tonnes).

Quelques hommes coupèrent une douzaine de troncs d’arbre de cinq pas de long, quatre de près de dix pas pendant que d’autres dégageaient la pierre de l’emprise de la terre végétale.

Celle-ci fut soulevée grâce à des leviers improvisés avec d’énormes branches.

Deux arbres parmi les quatre plus longs furent glissés sous la pierre, disposés parallèlement l’un à l’autre et distants de trois pas. Au fur et à mesure, les petits troncs d’arbres furent posés côte à côte sur les deux grands, sous la grosse dalle grise.

Une soixantaine d’hommes munis de cordages tirèrent la pierre. Elle se mit à rouler sur les troncs.

Un chemin avait été réalisé sur la distance de trente cordes séparant le point de départ du point d’arrivée.

Les rondins furent déplacés de l’arrière vers l’avant du bloc en mouvement.

La dextérité du groupe permit d’achever ce transport jugé impossible, en trois jours.

Vingt-quatre pierres brutes, deux fois douze, allaient être assemblées.

Witan, le concepteur, appréhendait dans son esprit fécond l’aspect final de l’œuvre. Son imagination créatrice lui donnait une image précise du monument à édifier.

Lui seul savait, connaissait le but à atteindre.

Les autres membres du groupe découvriraient peu à peu la magnificence de leur travail collectif, au fur et à mesure de l’avancement du chantier.

Une part du secret leurs serait révélée à chaque étape de l’édification de Pierre Folle. Peu à peu le voile se lèverait devant leurs yeux admirateurs.

Ceci demandait une grande confiance des membres du clan envers leur chef.

Witan n’avait pas le droit de les décevoir. Son avenir au sommet de la hiérarchie dépendait de la satisfaction ou non des villageois lorsque ceux-ci contempleraient, un jour prochain, la construction de pierre achevée.

Son plan visionnaire, intransmissible, allait prendre forme dans la réalité.

La conception issue de l’esprit, du monde intellectuel, se matérialiserait bientôt dans le réel, dans le monde terrestre.

 

 

Ce passage du spirituel au matériel, de la pensée au concret, était la marque du génie créateur.

Imaginer pour réaliser, concevoir par la pensée, puis concrétiser l’idée dans la réalité, se projeter dans l’avenir marque l’évolution de l’homme primitif vers l’être pensant, vers l’homme moderne.

Le génie de l’homme se révèle dans l’imaginaire.

Witan possédait parfaitement ces qualités requises à son rôle de meneur, de guide.

Il ne pouvait pas, il ne devait pas échouer, son devoir était de réussir pour lui et pour la gloire de ses compagnons à travers les temps à venir.

La science des nombres et leurs symboles n’avaient pas de secret pour lui.

Il avait mûrement réfléchi à la quantité de pierres requise et à la disposition de celles-ci dans l’espace.

Chacune d’elles avait été soigneusement sélectionnée par Witan dans les environs.

La forme de chaque bloc impliquait son utilisation.

A mi-distance des deux pieux, il fit disposer une grande pierre plate sur sa tranche perpendiculairement à l’axe des deux repères. Elle fut redressée peu à peu grâce à des leviers de bois. Enfoncée de la longueur d’un pied dans le sol, cette première pierre verticale fut le prétexte à un moment de réjouissance.

Les femmes et les hommes se prirent par la main et formèrent une ronde autour du bloc pierreux. Ils dansèrent ainsi dans le sens des aiguilles d’une montre, suivant le mouvement apparent du soleil.

Le cœur empli de joie et d’allégresse, ils avaient soif de connaître la suite.

Où Witan voulait-il en venir ?

Que serait demain et les jours suivants ?

Cette saine curiosité légitime servait d’aiguillon pour les hommes constructeurs. Le secret enfoui au plus profond de la pensée créatrice de Witan, peu à peu allait se dévoiler à tous. 

L’ardeur au travail ne saurait fléchir.

Les jours suivants, neuf autres peulvens furent redressés et mis à leur place respective de part et d’autre de l’axe à partir de la face orientale de la première dalle.

Quatre s’alignèrent côté sud et cinq au nord.

La quatrième et dernière pierre posée au sud avait une curieuse particularité.

Un évidement profond sur sa tranche supérieure permettrait à l’eau de pluie de rester dans ce réceptacle naturel. Cette sorte de bénitier primitif créé par la nature rendrait possible le passage du profane au sacré. La purification, le baptême par l’eau faisait partie du rite ancestral.

Sur le côté septentrion de cette grande pierre plate et allongée, tout près de l’élément liquide, la limite entre les deux mondes fut matérialisée par trois cupules gravées.

A la perpendiculaire de cette dalle, à son midi, un onzième caillou s’éleva.

Le douzième, le plus petit fut disposé au sud de l’édifice, devant le grand peulven jouxtant la première pierre.

Ce grand peulven dressé n’avait pas été choisi au hasard par Witan. En effet, sur sa face visible, l’architecte avait remarqué l’esquisse d’un cavalier sur son cheval. Il accentua cette espièglerie de la nature par quelques coups de silex habiles afin de mieux matérialiser cette fresque dans la roche dure.

 

La tête du cavalier fut matérialisée par une cupule.

L’allée couverte en rapport avec la mort, le grand voyage des défunts vers l’au-delà, permettrait de chevaucher dans l’univers du voyage éternel.

Le cheval véhiculerait l’âme des ancêtres.

Les constructeurs commençaient à imaginer le bâtiment en cours de réalisation.

Côté occidental de la première pierre, Witan et ses hommes plantèrent trois peulvens au sud de l’axe et quatre au nord.

A ce stade des travaux, sept pierres étaient alignées côté sud de l’axe et neuf côté nord. La distance d’un pas séparait les deux rangées.

Dans sa plus grande longueur le caveau mesurait une corde et demi, soit dix-huit pas ; dix-huit le nombre de peulvens ancrés avec soin dans la terre nourricière.

La durée de la moitié d’une lune avait été nécessaire pour matérialiser les murs de l’allée couverte à double entrée. Réaliser la toiture de pierre de l’ensemble demanderait encore autant de temps.

Tout le long de l’édifice, suivant l’avancement des travaux, de la terre avait été compactée en pente douce jusqu’à la hauteur des peulvens pour constituer une rampe d’accès.

Cinq blocs devaient être hissés par ce chemin pentu pour obturer le dessus des supports et engendrer les deux caveaux.

Trois dalles posées à l’ouest de la première pierre, sur les sept peulvens délimitèrent l’espace sacré occidental.

Deux grosses dalles, dont une énorme (celle de trente tonnes) suffirent à couvrir les peulvens orientaux, tant leurs dimensions étaient imposantes.

La plus petite s’appuyait sur trois blocs en trois points, la plus grosse couvrait six pierres et touchait cinq points seulement.

En deux autres endroits, l’épaisseur d’un doigt empêchait la jonction entre les piliers et le dessous de l’imposante dalle de grès, la dalle semblait en ces points en lévitation.

La rampe fut détruite, les abords nivelés et compactés avec le plus grand soin.

L’ensemble allait pouvoir défier l’éternité, résister aux outrages du temps.

Vingt-sept jours avaient été nécessaires pour permettre aux membres du clan d’admirer enfin le beau chef d’œuvre architectural.

Satisfaits du résultat, tous jubilaient.

Un légitime sentiment de fierté unissait tous les membres du clan.

Witan venait de conforter son pouvoir sur les habitants de la contrée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plan de « Pierre folle » de Montguyon 

(B. Bordelais, Architecte)

 

 

 

 

 

 

 

 

La sacralisation

 

 

 

Le solstice d’été ponctuait l’achèvement de la grande œuvre astronomique terrestre conçue par l’intelligence de Witan, avec l’aide indispensable des villageois.

Avant l’apparition des premiers rayons solaires, Witan le vénérable et son peuple se regroupèrent au centre du hameau, au sud-ouest des deux gnomons.

Le soleil se leva parfaitement aligné dans l’axe des deux pierres astronomiques sacrées du village.

Witan debout, face à l’étoile créatrice de vie, les bras levés semblait irradié par la lumière bienfaitrice.

Le disque rouge le baignait dans un halo protecteur.

Ses sujets, derrière leur chef, voyaient la silhouette de ce dernier se détacher dans le cercle astral qui commençait à virer à l’orange.

Les rayons lumineux devenaient peu à peu insupportables pour les yeux.

A l’instant où le disque du soleil quitta sa jonction avec la terre pour entreprendre son élévation vers le zénith, Witan se retourna vers les membres de sa fraternité.

Il tendit les mains vers eux, ceux-ci ne pouvant supporter la lumière devenue trop intense, baissèrent la tête en signe d’humilité, de respect.

Tous fermèrent leurs paupières, pourtant la lumière était toujours là, présente.

Le rituel ancestral, le miracle, venait de s’accomplir.

La lumière était transmise par le chef Witan à son peuple.

Sa fonction d’intercesseur, de sachant, de guide suprême prenait tout son sens.

Ce moment de recueillement permettait à chacun de se ressourcer, d’être en parfaite communion avec l’ensemble de l’univers.

Le microcosme ne faisait qu’un avec le macrocosme.

Une joie intense pénétrait le cœur de chaque participant.

Ils ouvrirent les yeux, le soleil à l’orient continuait son ascension. Witan leva les mains comme pour le saisir.

Il semblait porter la lumière du jour au bout de ses bras, dans ses mains élevées vers le ciel.

Ce fut le signal de la fête, moment privilégié d’allégresse, d’amour entre les humains. Le guide vénéré prit Wido dans ses bras et le serra très fort sur sa poitrine.

Sa compagne bien aimée se rétablissait doucement de son accouchement difficile. Ses beaux yeux emplis d’amour pour son compagnon et son magnifique fils traduisaient son incommensurable bonheur.

Witan la remercia.

- « Sans toi, sans la naissance de notre fils, rien n’aurait été possible. Tu as donné la vie dans la douleur et cet acte nous permet ce jour, grâce à toi, de vivre ce moment inoubliable. Nos dolmens resteront pour l’éternité comme un témoignage d’amour. Merci »

L’allégresse générale revitalisait le clan.

La joie était dans les cœurs.

La cérémonie pouvait continuer.

Witan avec son fils Wido blotti sur sa poitrine déposa une brassée de branches sèches de chênes à mi distance entre des deux gnomons. Sa compagne s’approcha à son tour et mit dessus, des rameaux de lauriers verts. Elle attrapât la main de son époux et de l’autre main posa délicatement sur le tapis de feuilles de lauriers un rameau de gui.

Un jeune adolescent, le dernier à avoir accédé à la caste des adultes s’approcha avec une torche et enflamma les trois végétaux mis en tas.

Le soleil culminait à son zénith, l’ombre était la plus courte de l’année. La lumière au midi solaire terrassait les ténèbres. Le char solaire pendant les six lunes suivantes déclinerait inéluctablement.

Cet état précaire de la prédominance de la clarté serait prorogé par le feu alimenté par les membres du clan.

Chacun amena des branches et des bûches sur le brasier. Les réjouissances festives continuèrent, un banquet pantagruélique fut servi.

Le soleil déclina à l’occident, puis il disparu sous l’horizon, tous se recueillirent.

La pénombre s’installa, la nuit arriva.

Les multiples luminaires célestes ponctuèrent de leurs éclats scintillant le firmament d’encre.

Les âmes des anciens disparus éclairaient et protégeaient le village en paix.

La lune fit son apparition à l’orient.

Son disque argenté enveloppait d’un doux éclairage l’ensemble des convives.

Le brasier, constamment approvisionné de bois lançait des langues de feu vers les étoiles.

La lune grimpa à son zénith.

Le soleil invisible au nadir réapparaîtrait au petit matin.

Tous attendaient son retour en dansant autour du feu. 

Une ronde humaine tourna à la périphérie des braises incandescentes dans l’attente du coucher de l’astre de la nuit et l’arrivée des premiers rayons de soleil.

Le peuple ravi assista avec émotion à la naissance de la nouvelle journée.

Une à une les étoiles s’éteignirent et disparurent.

La grande lumière commença à paraître.

Heureux, satisfaits de contempler le retour du soleil, mais fatigués par la longue nuit sans sommeil, ils regagnèrent les huttes et se reposèrent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La clémente harmonie

 

 

 

De ce jour là, la sérénité et la paix régnèrent parmi les hommes de la communauté.

L’harmonie entre tous les membres du clan satisfaisait pleinement Witan. Il rayonnait de joie.

Il n’avait pas seulement construit des monuments prestigieux, il avait également élevé son peuple, cimenté les relations fraternelles au sein du groupe.

Le maître arborait un magnifique sourire de satisfaction.

Les jours paisibles s’écoulèrent doucement.

De nombreux cycles lunaires passèrent les uns après les autres, les saisons se succédèrent.

Inexorable, le temps faisait son œuvre.

Wido devint un magnifique jeune homme à fière allure, à la stature d’athlète et au corps musclé ; une longue chevelure bouclée, couleur or, auréolait son beau visage d’ange : il serait le digne successeur de son père.

Ce dernier, dans son rôle d’initiateur lui transmettait ses connaissances.

C’était son devoir, sa mission.

Tel le pélican qui régurgite sa nourriture pour ses petits, Witan donnait tout son savoir à son fils adoré.

Cette tradition orale transmise depuis la nuit des temps, de génération en génération devait impérativement se perpétuait sans s’altérer.

Elle demeurait indispensable au progrès du clan et à sa cohésion. Elle était une longue chaîne d’union qui ne devait se rompre en aucun cas.

Bientôt, comme le veut la tradition, l’élève dépasserait le précepteur vieillissant, l’apprenti surpasserait son maître et lui rendrait ainsi le plus bel hommage.

Ce jour béni arriva.

 

 

 

 

 

 

 

 

La mort de Witan

 

 

 

Witan sentait ses forces décliner et sa fin inéluctable.

Peu lui importait, sa mission terrestre bien remplie le comblait d’aise. Son épouse à ses côtés l’aidait du mieux possible à supporter cette ultime épreuve.

Aimante, prévenante, douce, attentionnée, elle l’idolâtrait toujours autant.

La grande faucheuse n’allait pas tarder à venir.

Witan, très affaibli mais l’esprit serein l’attendait sans la moindre appréhension.

Ses deux plus belles créations terrestres, son fils et les constructions mégalithiques, venaient de fêter leurs vingt-sept ans quelques lunes auparavant.

Bientôt le solstice d’hiver engendrerait la période de renaissance du soleil.

A cette date, de jour en jour, le disque bienfaiteur recommencerait son ascension vers le zénith.

Les nuits glaciales, lugubres, étreignaient la nature endormie. Le froid intense accentuait le sentiment de mélancolie dans le coeur des habitants du village.

Witan, alité sur d’épaisses fourrures à même le sol près du brasier disposé au centre de sa hutte savait le moment venu. Il allait connaître l’ultime initiation que le profane appelle la mort.

Sa tendre épouse, assise à ses côtés, lui caressait tendrement le visage. Ses yeux témoignaient de sa gratitude, de son respect envers son époux.

Sa présence discrète, mais indispensable, depuis plus de trente ans, témoignait un fidèle attachement amoureux indestructible.

Wido, le fils chéri, tenait la main gauche de son père entre les siennes. Sa jeune épouse, enceinte, garantissait la perpétuation de la noble lignée.

Celui qui avait donné la vie, transmis ses gênes, ses connaissances, partait heureux d’avoir accompli une telle existence aussi riche.

Son œuvre terrestre, plus forte que le temps destructeur, défierait l’avenir.

Son fils adoré, d’ici peu, lui succéderait et à son tour transmettrait la vie et le savoir.

La respiration du patriarche devint haletante, difficile, saccadée, son corps se raidi.

Ses poumons fatigués n’assumaient plus leur fonction indispensable à la vie.

Il eut un dernier regard pour les deux êtres aimés.

Malgré un dernier effort de survie, il ne pu respirer l’air indispensable.

Son dernier souffle jeta la consternation.

Le sage venait de quittait le monde matériel fugace des hommes pour rejoindre l’univers éternel des esprits.

Il avait cinquante-quatre ans.

Trois jours plus tard, le corps sans vie fut inhumé dans la partie orientale de l’allée couverte de Pierre Folle. L’architecte reposait au centre de son œuvre majeure.

Le bon pasteur allait pouvoir reposer en paix.

Les pieds vers l’orient, les bras croisés sur sa poitrine, ses yeux clos tournés vers le ciel, il pourrait ainsi, chaque matin recevoir les premiers rayons lumineux de l’aube. Le caveau funéraire fut obturé par une lourde pierre.

La vie d’un homme s’achevait, cependant tout continuait ici bas. Le clan devait poursuivre sa marche en avant.

Dès le lendemain des obsèques, Wido fut intronisé chef de la communauté.

Trois lunes plus tard, sa compagne transmettait la vie.

Elle donnait naissance à une magnifique fille.

Cette dernière commençait son chemin de vie sans avoir pu connaître son grand-père.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Pierre Folle » de Montguyon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Wido

 

 

 

Wido, initié aux mystères des tracés imaginés par son père, allait devoir continuer l’œuvre.

Construire d’autres dolmens ou allées couvertes n’était pas envisageable.

Imiter son père eut été inconvenant et inutile.

Il devait innover, inventer, créer autre chose.

Au sud de Pierre Folle et Turpin, un bloc étrange, à demi enfoui exerçait une grande attirance pour sa communauté.

Le bloc ressemblait à un doigt de géant, d’une longueur de neuf pas et un pied pour un diamètre de trois pas.

Sa texture à grains très serrés et sa couleur claire lui permettait de briller étrangement au soleil.

Wido reprit tous les alignements des sites construits précédemment par son père.

Il prolongea la direction Saint-Palais de Négrignac à Turpin vers le sud.

La distance de Turpin au site choisi correspondait à la distance de l’allée couverte de Pierre Folle Montguyon à Turpin (223,6 cordes à treize nœuds).

La longue pierre fut amenée sans difficultés.

Wido ambitionnait de la redresser à la verticale.

Son peuple, incrédule, jugeait ce projet irréalisable.

Positionner une telle masse selon le fil à plomb dépassait l’entendement.

Wido relevait de la folie ou se prenait pour un Dieu.

L’échec d’un tel projet était présagé par les anciens.

L’opprobre et la malédiction tomberaient alors sur la communauté, Wido serait déchu, banni en cas d’insuccès.

A contrario, si Wido menait à bien son rêve, il serait révéré par son peuple.

Il avait mûrement réfléchi, pensé le problème. La solution technique ingénieuse allait permettre la réalisation de l’impensable.

Il fit édifier une pente douce constituée de troncs d’arbres et de terre argileuse.

A son extrémité, elle mesurait près de cinq pas de hauteur. D’énormes pieux consolidaient le bout abrupt de ce chemin en pente. Un trou d’environ un pas fut creusé à la base, dans le prolongement de l’énorme rampe.

L’ensemble fut laissé aux intempéries et au soleil afin de devenir une masse compacte.

Wido décréta le moment venu.

La longue pierre fut tirée, son plus gros bout à l’avant, sur la sente pentue.

Le moment le plus délicat approchait. Le bloc dépassait peu à peu la fin du chemin incliné.

Près de la moitié de l’énorme masse était maintenant au-dessus du vide. Elle sembla hésiter. Wido fit levier sous la petite extrémité au contact de l’argile.

Les hommes tenaient fermement les cordages passés autour le la pierre.

Elle vacilla, sa base décrit lentement un arc de cercle vers le sol, entraînant dans un même mouvement circulaire sa pointe vers le ciel.

Les plus septiques n’en croyaient pas leurs yeux.

Le miracle venait de s’accomplir.

Le bloc fut mis avec précaution selon la verticale, consolidé à son pourtour et la rampe détruite.

L’intelligence de Wido avait surpassé l’inertie de la masse pierreuse.

Le menhir, dans l’axe du centre de la terre, selon la perpendiculaire, brillait sous les doux rayons du soleil printanier régénérateur.

Symbole de puissance, symbole hautement phallique, la Haute Borne visible de loin, prouvait à tous, s’il en était besoin la force de l’intelligence.

Wido, digne successeur de son père, de sa longue lignée, procurait une saine fierté à son peuple.

Le jeune chef incontesté pouvait poursuivre la réalisation sacrée de son géniteur.

Dans l’axe solsticial du grand temple suggéré par les trois Pierre Folle, du côté occidental, là où le soleil couchant disparaissait l’hiver, à mille cinq cent cordes du village existait une colline boisée.

En ce lieu, le gui à profusion se développait sur les hautes branches des arbres. Depuis des temps immémoriaux, ce mamelon sacré permettait aux druides locaux de cueillir le parasite végétal transporté d’arbre en arbre par les oiseaux.

Wido fit part de son projet à son clan.

Au-delà de ce mont sacré, une construction mégalithique s’élèverait d’ici peu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La distance sur l’axe des solstices entre les deux points déterminés par la direction des deux Pierre Folle orientales et la direction Saint Palais de Négrignac à Turpin, soit cent vingt cinq cordes serait reportée vers le sud-ouest.

Ce tracé permettait de conserver les différentes directions existantes.

Quatre pierres furent dressées à égale distance les unes des autres selon un plan de base carré. L’implantation de l’ensemble respectait les quatre points cardinaux.

Les alignements des espaces entre chaque bloc de couleur grise, opposés les uns aux autres déterminaient les levers et couchers du soleil aux solstices d’été et d’hiver.

Une grande dalle circulaire de couleur brune fut posée sur les quatre peulvens.

L’édifice astronomique, en relation avec les quatre saisons, faisait passer du carré au cercle, de l’équerre au compas, de la terre au ciel, du matériel au spirituel.

La Pierre Brune reliait les hommes à l’univers.

L’humanité poursuivait sa marche vers la connaissance, vers le progrès.

A la même époque, d’autres hommes construisaient les pyramides d’Egypte et eux aussi laissaient des traces de leur savoir.

Bien plus tard, des siècles après la disparition de Wido, un petit dolmen constitué de deux peulvens et d’une petite dalle fut réalisé sur le côté nord de l’allée couverte de Pierre Folle.

D’autres cailloux furent posés plus loin vers le sud ouest, vers la mer mère, proche de l’embouchure du fleuve.

Des millénaires après cette époque, deux tumuli furent édifiés non loin des dolmens selon le tracé antique.

Ils témoignent de la connaissance humaine transmise de génération en génération.

Une longue chaîne d’initiés conservait vivace le savoir géométrique chargé de symboles ésotériques.

L’homme allait pouvoir passer aux cours des siècles, de la pierre brute à la pierre taillée.

L’humanité continuait sa longue progression.

Les outils, tels le ciseau et le maillet, l’équerre et le compas, la règle et le levier, la perpendiculaire et le niveau allaient permettre d’inventer une nouvelle façon de construire avec des blocs équarris.

 

 

 

 

La révolution architecturale allait commençait et modifier la société dans son ensemble.

Le génie de l’homme allait permettre à l’humanité de poursuivre sa marche en avant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2

 

 MILON

 

 

 

 

La naissance de Milon

 

 

 

3756 ans après la naissance de Wido, en l’an 1195, trois semaines avant le solstice d’été…

Un cri strident, inhumain, déchire les ténèbres.

Le chant du coq lui fait écho dans la nuit.

La lune argentée va disparaître à l’occident pour faire place au soleil levant

La famille du châtelain installée dans la forteresse en bois, au sommet de la colline calcaire de Guido, (Gui), ceinturée par une palissade protectrice d’épieux, attend la naissance du bébé.

La châtelaine dans peu de temps donnera la vie.

Après un moment d’efforts, de contractions, la sage femme recueille enfin le nouveau né.

La mère, satisfaite, malgré la douleur, constate le sexe mâle de sa progéniture.

Milon de Montguyon, allongé sur le ventre de sa mère, ne sait pas, bien évidemment qu’il allait plus tard, entrer dans l’histoire.

En effet, après avoir reçu l’éducation chevaleresque en rapport avec son rang, il part en 1220 en Palestine.

Agé de vingt-cinq ans, en pleine force, il participe à la sixième croisade en terre sainte, suivant l’initiative de Frédéric Barberousse, empereur germanique.

En 1240, après vingt ans passés loin de son cher Mont de Guido, il emprunte trois cent livres avec plusieurs chevaliers à des marchands génois afin de revenir l’année même.

A son retour, il retrouve Sicard, le puissant seigneur de Montguyon.

Milon revenait près des siens, après un long périple, vieilli, mais instruit. Il possédait notamment l’art de bâtir des forteresses en pierre.

Ce savoir, il souhaitait le mettre au service de Sicard du Mont de Guido.

En 1243, le 27 mars, quelques jours après l’équinoxe, Sicard fut convoqué à Bordeaux par Henri III, Roi d’Angleterre, afin de signer un traité concernant l’alleu de La Clotte.

Selon cet accord, il détient en fief du Roi d’Angleterre, le château de La Clotte.

Le souverain anglais s’engage alors à aider Sicard, le seigneur de Montguyon à fortifier son château montguyonnais.

La construction vétuste, en bois, allait bientôt pouvoir disparaître au profit d’une solide réalisation en pierre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La construction du château

 

 

 

Sicard, avec l’aide de Milon, va entreprendre la construction du nouveau château fortifié. Celui-ci sera érigé en pierre, à la place de l’édifice en bois voué à être démoli par la suite.

Milon, instruit par les ordres chevaleresques et les constructeurs, les maçons francs, libres, va tracer les plans de la fortification.

L’art du trait va être mis en application.

Milon, imprégné par la culture chrétienne, va traduire son engagement spirituel dans la pierre.

Le château sera dédié à la gloire du Créateur, en parfaite osmose avec l’univers.

Les vingt années passées sur les terres des infidèles, près du tombeau du Christ ont été fécondes, riches de connaissances.

Il connaît le rituel initiatique des chevaliers de la table ronde, la légende du Graal.

Son œuvre révélera la célèbre épopée à ceux qui savent regarder, lire le plan.

L’oppidum, très ancien, occupé depuis des siècles, voire des millénaires, sera fortifié par une enceinte de pierre. Les côtés nord, ouest et sud constituent une défense naturelle grâce à la déclivité du terrain.

En revanche, la face orientale, permettant l’accès par le plateau est seulement défendue à l’origine par une palissade en bois.

Milon, astucieux, prévoit de prendre les matériaux indispensables à l’édification du château sur ce côté est où affleurent les blocs rocheux.

Le socle calcaire sera entaillé par une carrière de pierre et constituera ainsi des douves sèches assurant la protection de la cour intérieure.

Un pont-levis double, un petit pour les piétons et un grand pour les cavaliers et les charrettes fermera l’entrée et permettra l’accès du site.

Milon se met au travail au moment du solstice d’été.

Du haut de la tour en bois existante appelée à disparaître, il observe le lever du soleil. Deux pieux en bois sont profondément enfoncés dans le sol selon cet alignement astronomique.

La forteresse de pierre calcaire sera un immense vaisseau de cent cinquante pas de longueur pour soixante pas dans sa plus grande largeur. Comme une nef, en lieu et place de la proue et de la poupe s’élèveront deux donjons circulaires.

Une de ces imposantes tours circulaires prendra place à l’extrémité nord-est du site fortifié, la seconde au sud-ouest.

Constituées de six niveaux, reliées l’une à l’autre par des bâtiments implantés au pourtour du promontoire, elles s’élèveront fièrement vers le ciel.

Des petites tours circulaires accolées aux remparts, percées d’archères permettront de défendre l’ensemble avec efficacité.

Esquisse après esquisse, le projet commence à prendre forme. Le dessin de plus en plus précis laisse augurer de la magnificence du futur castel.

L’ensemble ancré à l’univers par son orientation, ses proportions, doit respecter les règles ancestrales des constructeurs.

Milon va dessiner les plans avec la règle, l’équerre et le compas.

Ces trois instruments, au service du génie créateur du maître de l’œuvre, vont révéler par le tracé, par le trait, l’immense savoir géométrique et symbolique transmis à travers l’espace temps.

Le logis de forme circulaire à construire au sud-ouest, du côté le mieux défendu, en surplomb au sommet de la blanche falaise calcaire servira de tour de gué et de logement pour le seigneur.

L’édifice du nord-est, le moins bien défendu, sera l’objet de toutes les attentions de Milon.

La tour circulaire comptera six niveaux. Un grand bâtiment mitoyen, rectangulaire construit selon un double carré, donnera toute son ampleur à ce logis.

Le premier niveau, en sous-sol, creusé en partie dans le socle rocheux sera construit en respectant l’architecture romane. Une voûte en berceau constituera le plafond de la grande salle rectangulaire, tout comme celui de la petite salle permettant l’accès au sous-sol du donjon. Cette dernière pièce circulaire, dans l’axe de la tour recevra une coupole de pierre, telle la voûte céleste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Milon continuait à bâtir le château de Sicard : « Cette petite salle, digne des chevaliers de la table ronde sera percée de trois fenêtres, une au sud, une à l’ouest et la dernière au nord-est, face au soleil levant du solstice d’été. L’acoustique sera magique… »

Au deuxième niveau, le double carré s’imposera à l’observateur par la présence de deux travées avec arcature reposant sur deux culs de lampe.

Le cercle restera utilisé pour l’intérieur du donjon.

A partir du troisième niveau, changement de technique architecturale.

Les plafonds et planchers intermédiaires seront construits en bois et l’intérieur de la tour aura la forme du carré.

L’imagination féconde et les connaissances acquises avaient permis à Milon de Montguyon d’élaborer un projet merveilleux, grandiose.

Sicard, enthousiaste devant les croquis et dessins précis, attendait avec la plus grande impatience le démarrage des travaux.

Au printemps 1244, le tracé fut reporté sur le terrain.

La carrière devant fournir les pierres à l’édifice et constituer les futures douves fut délimitée.

Le sous-sol, creusé laborieusement au pic tout au long de l’année donnait la dimension réelle de l’immense construction à réaliser.

En 1245, les fondations virent le jour, la construction proprement dite allait commencer.

Début 1246, soit 3807 ans après les travaux de Witan, le constructeur précurseur, les murs de la fortification commençaient à s’élever majestueusement vers le firmament.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’extraction des moellons et des blocs de pierre se faisant sur place, offrait l’économie du transport des matériaux. Cependant, le calcaire local, de mauvaise qualité, gélif, ne pouvait servir de parement extérieur des murs.

En conséquence, des blocs plus durs furent acheminés des environs sur des charrettes en bois.

Les carriers avaient un rôle primordial mais au combien ingrat et dangereux.

Ils exécutaient un labeur des plus fatigants, aux intempéries dans les carrières à ciel ouvert, travaillant selon des conditions très difficiles dans les réseaux souterrains.

Manier le pic de carrier, l’escouade, pour dégager les pierres de la fosse ou du front de taille nécessitait de la force et de la dextérité.

Les rainures profondes pratiquées dans le socle rocheux, le havage, permettaient d’extraire les blocs grâce à l’action du levier. Le havage horizontal, très pénible, éprouvait les ouvriers. 

A chaque nouvelle avancée dans le front de carrière, il fallait sortir la première pierre, défermer, après maintes difficultés. Les suivantes étaient bien plus aisées à dégager de la falaise.

Ces blocs acheminés sur le site à édifier étaient équarris au pic, grâce à la laye ou bien avec le ciseau et le maillet par les tailleurs de pierre afin de les rendre conforme à l’usage prévu.

Les moellons bruts et les éclats mélangés au mortier servaient de remplissage à l’intérieur des murs.

 

 

 

Les maçons avec leur auge emplie de mortier, taillée dans un tronc d’arbre, pouvaient avec leur truelle, leur niveau et perpendiculaire ériger l’édifice.

Des échafauds de bois, constitués de boulins engagés dans la maçonnerie, supportaient des plateaux de bois, des plabords qui permettaient aux maçons d’élever la construction par tranche de six pieds pour les murs rectilignes. Les donjons bénéficiaient d’un système d’échafauds fixés en spirale à leur périphérie. 

Ceci offrait l’avantage d’obtenir une pente douce permettant l’accès au chantier en cours. Grâce à cette astuce, les manœuvres pouvaient approvisionner les constructeurs avec l’oiseau sur les épaules pour les charges les plus légères.

Au fur et à mesure de l’avancée des travaux, les charpentiers devaient mettre en place avec précision les échafaudages intérieurs servant de soutient et de forme pour la réalisation des voûtes, puis les enlever après l’intervention des maçons.

Ces derniers réalisaient alors la décoration intérieure.

L’un des compagnons traça au compas une volute à six pétales autour d’un hexagone.

Ce dessin gravé dans une pierre de corniche disparut selon la tradition au regard des curieux après la mise en œuvre de celle-ci au sein du mur. 

Ce tracé fut-il enfoui à jamais?

Réapparaîtrait-il un jour par le fruit du hasard ?

Ils édifiaient également les planchers intermédiaires à partir du troisième niveau.

D’énormes poutres en bois fichées dans les murs recevaient une multitude de chevrons supportant les planchers.

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